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CIMON.

rut, laissant son fils Cimon dans la première jeunesse, et sa fille toute jeune aussi, et qui n’était point encore mariée. Cimon commença par se faire une fort mauvaise réputation dans la ville : on ne le connaissait que comme un débauché et un grand buveur, dont le caractère rappelait celui de Cimon son aïeul, que sa stupidité avait fait surnommer Coalémos[1]. Stésimbrote de Thasos, qui fut à peu près contemporain de Cimon, assure qu’il n’apprit ni la musique, ni aucune des sciences qu’on enseigne aux enfants de condition libre ; qu’il n’avait rien de cette force et de cette grâce de langage ordinaires aux Athéniens ; mais qu’il était d’un naturel franc et généreux, et que son âme tenait plus du Péloponnésien que de l’homme d’Athènes :

Grossière, sans agrémente, mais vertueuse au plus haut point ;

comme Euripide décrit celle d’Hercule[2]. Tel est à peu près le portrait que Stésimbrote fait de Cimon.

Dans sa jeunesse, il fut accusé d’un commerce criminel avec sa sœur. Du reste, Elpinice n’avait pas, dit-on, une conduite fort réglée, et s’était abandonnée au peintre Polygnote. Aussi Polygnote, peignant les captives troyennes dans le portique appelé alors Pisianactée, et aujourd’hui Pœcile, aurait, dit-on, représenté Laodicé sous les traits d’Elpinice. Quoi qu’il en soit, Polygnote n’était pas un artisan mercenaire : il ne peignit pas ce portique pour de l’argent, mais gratuitement, pour se faire honneur auprès de sa patrie. C’est ce que disent tous les historiens ; et le poëte Mélanthius le confirme dans ces vers :

Il orna à ses frais les temples des dieux et la place publique
De Cécrops, en y peignant les exploits des demi-dieux.

  1. C’est-à-dire hébété.
  2. Dans une des pièces que nous ne possédons plus.