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LUCULLUS.

de celle où il voulait souper, pour savoir quelle dépense il fallait faire, quel ameublement et quel service on devait employer. Le souper dans l’Apollon était habituellement de cinquante mille drachmes[1]. Ce fut la somme qu’on dépensa ce soir-là ; et Pompée fut émerveillé autant par la magnificence du festin que par la promptitude avec laquelle il avait été préparé. C’était ainsi que Lucullus abusait des richesses, et les traitait comme des captives et des Barbares[2].

Mais une dépense plus louable et plus digne était celle qu’il faisait pour se procurer des livres. Il en rassembla un grand nombre et d’une bonne écriture, et il en fit un usage plus honorable encore que ne l’était leur acquisition, en ouvrant sa bibliothèque au public. Tous les Grecs avaient un libre accès dans les galeries, dans les portiques et dans les cabinets qui entouraient sa bibliothèque : ils s’y rendaient comme dans un sanctuaire des Muses ; ils y passaient les jours entiers à discourir ensemble, quittant avec plaisir toutes leurs affaires pour s’y réunir. Lui-même il se promenait souvent dans les galeries avec les gens de lettres, se mêlait à leurs entretiens, et aidait, au besoin, de son crédit, ceux qui étaient chargés de quelques négociations politiques. En un mot, sa maison était un asile, un Prytanée grec, pour tous ceux qui venaient à Rome.

Il avait en général du goût pour toutes philosophies ; mais la secte pour laquelle il eut toujours une préférence marquée, c’était l’Académie, non point celle qu’on nomme la nouvelle, quoiqu’alors Philon lui eût donné un grand éclat en expliquant les écrits de Carnéade, mais l’ancienne, qui avait alors pour chef Antiochus l’Ascalonite, homme éloquent et habile. Lucullus s’était

  1. Environ quarante-cinq mille francs de notre monnaie.
  2. Allusion à ce qui se passait dans les triomphes.