Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/105

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COMPARAISON
DE
CIMON ET DE LUCULLUS.


On peut regarder comme un des plus grands bonheurs de Lucullus d’être mort avant la révolution que les destins préparaient à la république par les guerres civiles, et d’avoir fini sa vie dans un pays malade, il est vrai, mais du moins encore libre. Voilà ce qu’il eut particulièrement de commun avec Cimon ; car Cimon, lui aussi, mourut avant les troubles qui agitèrent la Grèce, et pendant qu’elle était dans un état florissant. Du reste, il mourut dans son camp, en faisant les fonctions de général, et non point dégoûté des affaires et oisif, en homme qui cherche le prix de ses travaux, de ses conquêtes et de ses trophées, dans les festins et les débauches ; comme Orphée, dont Platon se moque, ne promet à ceux qui ont bien vécu d’autre récompense, dans les enfers, qu’une ivresse perpétuelle[1]. Sans doute le repos, la tranquillité, l’étude des lettres, où il y ait instruction jointe au plaisir, sont, pour un vieillard obligé de renoncer à la guerre et aux affaires publiques, la consola-

  1. Platon, au deuxième livre de la République, se moque des rêveries d’Hésiode, d’Homère, de Musée sur le bonheur des morts ; mais il ne nomme point Orphée.