libre. » Celui qui le secondait le mieux dans ce jeu, et qui lui donnait à lui-même plus de poids et de considération, c’était Hiéron, homme élevé dans la maison de Nicias, et auquel il avait lui-même appris les lettres et la musique. Cet Hiéron se prétendait fils de Dionysius, surnommé Chalcos[1], dont il nous est resté des poésies ; chargé de conduire une colonie en Italie, Hiéron y bâtit Thurium[2]. Cet Hiéron était l’agent de Nicias dans les consultations secrètes auprès des devins ; et il répandait ces bruits dans le peuple : « Nicias mène une vie bien laborieuse et bien pénible par dévouement à l’État : dans le bain, à table, partout, il lui survient sans cesse quelque pensée d’intérêt général ; il néglige ses affaires particulières pour ne penser qu’aux affaires publiques ; et, à peine endormi du premier sommeil, il lui faut s’éveiller. Aussi sa santé s’en va dépérissant, et il n’a plus pour ses amis ni affabilité ni agrément ; il les perd, tout en perdant sa fortune, et cela parce qu’il gouverne. Tandis que les autres hommes d’État se font des amis, s’enrichissent à la tribune, mènent une vie de bonheur, et se jouent de l’État. » Telle était en effet la vie de Nicias ; et il pouvait dire ce qu’Agamemnon dit de lui-même :
… Notre vie brille entre toutes
Par le faste ; mais nous sommes les esclaves de la multitude[3].
Nicias voyait que s’il y avait des hommes puissants par
- ↑ Ce Dionysius était de Phères, en Thessalie ; il avait été surnommé Chalcos ou l’Airain, parce qu’il avait, le premier, enseigné aux Athéniens à fabriquer la monnaie de cuivre.
- ↑ Sur l’emplacement de l’ancienne ville de Sybaris.
- ↑ Dans l’Iphigénie en Aulide, d’où ce passage est tiré, on lit le mot δῆμον, au lieu de ὄγκον, vers 450 ; ce qui s’accorde mieux avec le sens du mot προστάτην. Cela signifie alors : Nous avons le peuple pour arbitre de notre vie. Mais la citation, avec ce texte, ne conviendrait plus ici.