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NICIAS.

en exposant la république à tous les risques d’une guerre difficile au delà des mers. Tout cela n’avança rien. Au contraire, son expérience le fit juger plus propre que pas un autre à conduire cette entreprise, et à en assurer le succès ; sa circonspection, pensait-on, empêcherait la témérité d’Alcibiade et le mol abandon de Lamachus[1] : aussi ne fit-on que confirmer la délibération. Alors Démostratus, celui des orateurs publics qui poussait le plus à la guerre, se leva, et dit qu’il saurait bien mettre un terme à toutes les raisons de Nicias ; et il rédigea ce décret : « Que les généraux aient plein pouvoir délibératif et exécutif et dans Athènes et en Sicile. » Et il le fit adopter par le peuple.

Il est vrai que les prêtres opposaient à l’expédition de nombreux présages ; mais Alcibiade avait à lui d’autres devins, et il fit répondre que, d’après certains oracles anciens, Athènes devait acquérir beaucoup de gloire dans la Sicile. Il lui arriva aussi des hommes qui venaient de consulter l’oracle d’Ammon, et qui en rapportaient cette réponse : « Les Athéniens prendront tous les Syracusains. » Quant aux présages contraires, pour ne prononcer aucune parole de mauvais augure, on les tenait secrets. Rien ne put prévaloir contre la détermination prise, pas même les signes manifestes et qui frappaient les yeux de tout le monde, comme la mutilation des Hermès, auxquels toutes les extrémités avaient été coupées en une seule nuit, à l’exception d’un seul, appelé l’Hermès d’Andocide. C’était une statue consacrée par la tribu Égéide ; elle se trouvait devant une maison qui était alors à Andocide. On ferma les yeux sur ce qui s’était passé à l’autel des douze dieux : un homme sauta

  1. Cependant Plutarque, dans la Vie d’Alcibiade, représente Lamachus comme un homme ardent, intrépide, et qui préférait les emportements d’Alcibiade à la froide sagesse de Nicias.