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NICIAS.

forces qu’il avait autour de lui, jusqu’à ce que Démosthène fut pris ainsi que tout le corps qui marchait sous ses ordres. Démosthène fut enveloppé avec les siens dans le village de Polyzélium[1], où il était resté en arrière, et où il se défendit vigoureusement. Il tira son épée et s’en perça ; mais il ne mourut pas du coup : les ennemis se jetèrent sur lui et l’enlevèrent. Des Syracusains coururent annoncer cette nouvelle à Nicias : il dépêcha des cavaliers pour reconnaître le fait ; et, quand il fut assuré de la prise de ce corps d’armée, il crut devoir traiter avec Gylippe. Il demanda qu’on laissât les Athéniens sortir de la Sicile, en donnant des ôtages pour caution des sommes que les Syracusains avaient dépensées dans cette guerre. Mais ils rejetèrent sa proposition avec insolence et colère ; et, en le menaçant, en l’accablant d’outrages, ils recommencèrent à le charger. Il manquait absolument de vivres : cependant il se soutint encore toute la nuit et le lendemain ; toujours harcelé, il s’avança jusqu’à la rivière Asinarus[2].

Là, les ennemis, fondant en masse sur les Athéniens, en culbutèrent une partie dans le courant ; les autres s’y étaient déjà jetés pour apaiser leur soif. Il s’y fit un affreux et sanglant carnage : on les égorgeait au milieu de l’eau pendant qu’ils buvaient. Nicias enfin tomba aux pieds de Gylippe et lui dit : « Pitié, Gylippe ! toi et les tiens vous êtes vainqueurs. Pitié, non pas pour moi, tant de malheurs m’ont acquis assez de célébrité et de gloire, mais pour ces Athéniens. Rappelez-vous que les chances de la guerre sont communes à tous, et que les Athéniens en ont usé modérément envers les Lacédémoniens, lorsqu’ils ont eu l’avantage. » Tandis que

  1. Un peu au delà du fleuve Cacyparis, en descendant de Syracuse, au midi.
  2. Un peu au dessous de Polyzélium, en tirant vers le midi.