Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/188

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le long du fleuve. Ses bâtiments de transport l’entretenaient dans l’abondance des vivres, en arrivant tous ensemble et en même temps que lui aux lieux des campements ; le fleuve le couvrait, et empêchait qu’il ne fût enveloppé. Il devait donc combattre toujours à avantage égal, et en ayant l’ennemi en face.

Tandis que Crassus examinait ce plan et en délibérait, survint un chef de tribu arabe, nommé Ariamnès[1]. C’était un homme fourbe et trompeur : de tous les maux que la fortune réunit pour la perte des Romains, il fut le plus grand et le plus décisif. Quelques-uns de ceux qui avaient fait partie de l’expédition de Pompée connaissaient cet homme comme ayant été utile à Pompée par son dévouement, et comme ayant paru attaché aux Romains. Il venait alors vers Crassus, d’intelligence avec les généraux du roi, et lâché par eux pour essayer de le guider le plus loin possible du fleuve et de ses parages, pour le jeter dans ces plaines immenses où il serait facile de l’envelopper. Car ils préféraient tout autre parti à celui d’attaquer de front les Romains. Ce Barbare, qui ne manquait pas d’éloquence, vint donc vers Crassus. Il commença par faire l’éloge de Pompée, comme d’un bienfaiteur ; et, tout en félicitant Crassus sur sa belle armée, il le blâma de ses lenteurs, de ses retards, de ses préparatifs sans fin, comme s’il eût dû avoir besoin d’armes et non pas plutôt de mains et de pieds agiles pour atteindre des hommes qui, depuis longtemps déjà, ne cherchaient qu’à enlever ce qu’ils avaient de plus précieux en biens et en personnes, et à prendre leur élan vers la Scythie et l’Hyrcanie. « Et encore que tu dusses combattre, lui disait-il, il aurait fallu te hâter, pour ne pas laisser le temps au roi de se rassurer, aux troupes de se réunir. Car maintenant il jette en avant Suréna et Sillacès pour

  1. Appien le nomme Acbarus, et Dion, Augarus.