Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marcher souvent contre les mêmes ennemis, pour ne pas leur apprendre à faire la guerre.

Agésilas déplaisait même aux alliés de Lacédémone, qui disaient que, s’il cherchait à détruire les Thébains, ce n’était point pour quelque grief public, mais pour satisfaire une certaine rancune, et par un motif de jalousie opiniâtre. « Nous n’avons que faire, disaient-ils, à courir tous les ans de côté et d’autre, à suivre, en si grand nombre, une poignée de Lacédémoniens. » On rapporte qu’Agésilas, pour leur montrer ce qu’était en réalité leur nombre, imagina ce moyen : Il commanda que les alliés se plaçassent assis tous ensemble d’un côté, et les Lacédémoniens seuls de l’autre côté ; puis il fit crier l’ordre de se lever d’abord aux potiers, et ils le firent ; même commandement fut fait en second lieu aux forgerons, puis aux charpentiers, ensuite aux maçons, enfin aux hommes des divers métiers tour à tour ; et ainsi se levèrent presque tous les alliés, mais non pas un seul Lacédémonien ; car il leur était interdit d’exercer aucun art, d’apprendre aucun métier. « Vous voyez, mes braves, gens, leur dit Agésilas en riant, combien nous envoyons plus de soldats que vous ! »

À Mégare, lorsqu’il ramenait son armée de Thèbes à Sparte, au moment où il montait à la citadelle pour se rendre au quartier général, il éprouva tout à coup un tiraillement et une vive douleur à la jambe qui n’était pas blessée. Elle en devint tout enflée, paraissant pleine de sang, et présentant une inflammation extrême. Un médecin de Syracuse lui ouvrit la veine au-dessous de la cheville, et les souffrances cessèrent ; mais le sang jaillissait et coulait toujours sans qu’on pût l’arrêter, de sorte qu’il tomba dans une défaillance profonde, et qu’il se trouva en grand danger. On parvint enfin à étancher le sang ; et l’on transporta Agésilas à Lacédémone, où il resta longtemps malade et incapable de diriger aucune