Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/326

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mes n’osaient plus regarder même leurs femmes en face, tant ils étaient honteux de leurs défaites.

Lorsque Épaminondas rebâtit Messène, et que les anciens habitants y revinrent de tous côtés, les Lacédémoniens n’osèrent pourtant point livrer de combat pour empêcher l’accomplissement de ce fait. Mais ils savaient très-mauvais gré à Agésilas d’avoir laissé enlever à Sparte un pays non moins étendu que la Laconie, qui l’emportait en fertilité sur toutes les autres parties de la Grèce, et dont ils avaient eu si longtemps la jouissance. Et voilà justement pourquoi, quand les Thébains offrirent d’eux-mêmes la paix, Agésilas la refusa : il ne voulait pas leur céder, par un traité, un pays que déjà ils possédaient. Mais, en s’opiniâtrant à ne pas renoncer à ces terres, il faillit perdre Sparte même, par un stratagème de son ennemi. Les Mantinéens s’étaient de nouveau détachés des Thébains, et ils avaient appelé à eux les Lacédémoniens. Épaminondas, informé qu’Agésilas était parti avec l’armée, et qu’il s’avançait, décampa lui-même de Tégée pendant la nuit, à l’insu des Mantinéens, et marcha à la tête de toutes ses forces sur Lacédémone. Il prit un autre chemin que celui que tenait Agésilas ; et peu s’en fallut qu’il ne surprît la ville déserte, et qu’il ne s’en emparât. Mais Euthynus de Thespies, suivant Callisthène, un Crétois, suivant Xénophon, en ayant porté la nouvelle à Agésilas, celui-ci dépêcha sur-le-champ un courrier à ceux de la ville pour les en avertir ; et lui-même il suivit de près son courrier dans Sparte. Quelques moments après, les Thébains passaient l’Eurotas, et attaquaient la ville. Agésilas la défendit avec une vigueur extrême et au-dessus de son âge. Ce n’était plus, il le voyait bien, comme dans l’occasion précédente, le moment de prendre toutes ses sûretés, de se tenir sur ses gardes : il fallait de l’audace et du désespoir, deux moyens auxquels, jusqu’alors, il n’avait jamais eu confiance, et qu’il n’avait