Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/339

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Il eut, dans le cours du procès, de grands combats à livrer contre son accusateur ; et il fit paraître dans sa défense une pénétration et une fermeté au-dessus de son âge, et qui lui valurent, avec une haute réputation, les bonnes grâces de tout le monde. Ce fut au point que le préteur Antistius, qui présidait au jugement, s’éprit pour Pompée d’une si vive affection, qu’il résolut de lui donner sa fille en mariage, et lui en fit la proposition par ses amis. Pompée accepta, et les fiançailles se firent en secret. Cependant l’intérêt qu’Antistius montrait à Pompée fit deviner au peuple le mystère ; et, à la fin du procès, lorsque le préteur prononça la sentence d’absolution portée par les juges, la multitude, comme si elle en eût reçu l’ordre, se mit à crier : À Talasius ! mot qui est, de toute antiquité, le signal accoutumé des noces romaines.

Voici, dit-on, l’origine de cet usage. Lorsque les plus vaillants d’entre les Romains enlevaient les filles sabines, qui étaient venues à Rome pour assister à un spectacle, des pâtres et des bouviers ravirent une jeune fille d’une beauté et d’une taille distinguées ; et, de peur qu’elle ne leur fût enlevée par quelqu’un des nobles, ils criaient, tout en courant : À Talasius ! Or, Talasius était un jeune homme des plus estimés et des plus connus. Quand on entendit ce nom, on se mit à battre des mains, et à répéter ce cri, en signe d’approbation et de joie. Ce mariage fut heureux pour Talasius ; de la vient, dit-on, qu’on répète, par manière de jeu, cette acclamation pour ceux qui se marient. C’est le récit qui m’a paru le plus vraisemblable sur l’origine du cri de Talasius[1].

Peu de jours après, Pompée épousait Antistia. Il se rendit ensuite au camp de Cinna, où il se vit bientôt en butte à des calomnies qui lui donnèrent des sujets de craindre pour sa sûreté. Il se déroba secrètement ; et,

  1. Voyez la Vie de Romulus dans le premier volume.