Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
CIMON.

Cependant Cimon, tout rempli de ses grands projets de guerre, tenait toujours sa flotte autour de l’île de Cypre. Il envoya au temple d’Ammon des députés chargés de consulter le dieu sur des choses secrètes ; car personne ne sait quel était l’objet de leur mission. Le dieu ne leur rendit point d’oracle ; mais, dès qu’ils entrèrent dans le temple, il leur ordonna de s’en retourner : « Cimon, dit-il, est déjà auprès de moi. » Les députés, obéissant à cet ordre, reprirent le chemin de la mer ; et, en arrivant au camp des Grecs, qui était alors sur les côtes de l’Égypte, ils apprirent que Cimon était mort. Ils comparèrent le jour de sa mort avec celui où le dieu leur avait parlé, et reconnurent que l’oracle, en leur disant que Cimon était déjà avec les dieux, avait annoncé énigmatiquement sa fin.

Il mourut au siège de Citium[1], de maladie, suivant la plupart des historiens ; et, selon d’autres, d’une blessure qu’il reçut en combattant contre les Barbares. En mourant, il ordonna à ses capitaines de ramener sur-le-champ la flotte à Athènes, et de cacher sa mort à tout le monde. Et avant que ni les ennemis ni les alliés eussent vent de rien, la flotte avait pu rentrer en sûreté dans les ports de l’Attique, au rapport de Phanodème, après une navigation de trente jours, et commandée par Cimon, tout mort qu’il était.

Depuis cet événement, aucun des généraux grecs ne se signala désormais contre les Barbares par quelque éclatant exploit. Les Grecs s’acharnèrent les uns sur les autres, excités par des démagogues et des artisans de querelles, sans que personne se mît entre-deux pour les séparer. Ces guerres intestines laissèrent respirer le royaume de Perse, et frappèrent la puissance des Grecs

  1. Citium était une ville de Cypre ; c’est là que naquit, dans le siècle suivant, Zénon le stoïcien.