Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/406

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niqua à toute l’Italie : toutes les villes, petites ou grandes, célébrèrent des fêtes pendant plusieurs jours. Il n’y avait pas d’endroit assez spacieux pour contenir ceux qui venaient de toutes parts à sa rencontre : les chemins, les bourgs et les ports étaient pleins de gens qui faisaient des banquets et des sacrifices. Un grand nombre, ornés de couronnes, allaient le recevoir aux flambeaux, et l’accompagnaient en lui jetant des fleurs. Aussi, le cortège dont il était suivi dans sa marche offrait-il le plus beau et le plus magnifique des spectacles. Du reste, ce ne fut pas là, dit-on, une des moindres causes de la guerre civile. L’opinion présomptueuse qu’il conçut de lui-même, et l’extrême joie dont son âme était remplie, surmontèrent tous les raisonnements que devait lui suggérer l’état des affaires : il oublia cette sage prévoyance qui jusque-là avait assuré ses prospérités et le succès de ses entreprises ; il se laissa aller à une confiance audacieuse, et se prit de dédain pour la puissance de César, jusqu’à croire qu’il n’avait besoin contre lui ni d’armes, ni d’efforts, et qu’il le renverserait bien plus facilement encore qu’il ne l’avait élevé.

Sur ces entrefaites, Appius arriva, ramenant de la Gaule les troupes que Pompée avait prêtées à César. Appius affecta de rabaisser les exploits qui s’étaient accomplis dans cette contrée, et de répandre des bruits injurieux à César. « Il faut, disait-il, que Pompée connaisse bien peu ses forces et sa réputation, pour se fortifier contre César d’autres armes que celles dont il dispose ; César sera vaincu par ses propres légions, dès que Pompée aura paru : tant les soldats haïssent César et désirent de revoir Pompée ! » Ces vains propos enflèrent si fort le cœur de Pompée, ils lui inspirèrent une si présomptueuse confiance, et lui firent tant et si bien négliger toute précaution, qu’il se moquait de ceux qui redoutaient cette guerre ; et, quand on lui disait que, si