Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/467

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férieur en nombre. Darius répondit qu’il craignait que les ennemis ne le prévinssent en prenant la fuite, et qu’Alexandre ne lui échappât : « Ah ! pour cela, seigneur, dit Amyntas, sois sans inquiétude ; Alexandre marchera certainement contre toi ; et sans doute il est déjà en chemin. » Darius ne se rendit point aux observations d’Amyntas : il lève son camp, et marche vers la Cilicie, pendant qu’Alexandre allait en Syrie au-devant de lui ; mais ils se manquèrent dans la nuit, et revinrent chacun sur leurs pas. Alexandre, charmé de cet heureux hasard, se hâtait de joindre son ennemi dans les défilés, tandis que Darius cherchait à reprendre son premier camp, et à dégager son armée des défilés. Car il commençait à reconnaître la faute qu’il avait faite, de se jeter dans ces lieux serrés entre la mer et les montagnes, et coupés en travers par le fleuve Pinarus : champ de bataille peu commode aux évolutions de la cavalerie, et dont le terrain, par ses accidents multipliés, offrait une assiette favorable à un ennemi inférieur en nombre.

La Fortune donnait à Alexandre le poste avantageux ; mais il surpassa le bienfait de la Fortune en s’assurant la victoire par l’habileté avec laquelle il disposa ses troupes en bataille. Malgré l’innombrable multitude des Barbares, il sut garantir son armée, tout inférieure qu’elle fût en nombre, du danger d’être enveloppée : il fit déborder son aile droite sur l’aile gauche des ennemis ; et, s’étant réservé le commandement de cette aile, il mit en fuite les Barbares qu’il avait en tête, combattant lui-même aux premiers rangs. Il fut blessé à la cuisse d’un coup d’épée, de la main même de Darius, selon Charès, les deux rois s’étant joints dans la mêlée ; mais Alexandre, écrivant à Antipater les détails de ce combat, ne nomme point celui qui l’avait blessé : il dit seulement qu’il reçut à la cuisse un coup d’épée, et que sa blessure n’eut point de suite fâcheuse.