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LUCULLUS.

qu’il avait levée à Rome. Quand il prit le commandement des troupes qui étaient dans le pays, il trouva les soldats depuis longtemps corrompus par la mollesse et par la cupidité. Les bandes fimbriennes surtout, habituées à vivre dans l’anarchie, n’étaient pas faciles à gouverner. Elles avaient, à l’instigation de Fimbria, tué le consul Flaccus, leur général, et livré Fimbria lui-même à Sylla ; c’étaient tous hommes audacieux, sans frein et sans loi, mais pleins de bravoure, endurcis aux travaux, et expérimentés dans la guerre. Cependant Lucullus eut en peu de temps réprimé leur audace, et ramené à la discipline toutes les autres troupes, qui éprouvaient, sans doute pour la première fois, ce que c’est qu’un bon et véritable capitaine : jusqu’alors elles avaient été flattées par leurs généraux, qui ne leur commandaient que ce qui pouvait leur plaire.

Quant aux ennemis, voici où en étaient leurs affaires. Mithridate, fier et avantageux, avait d’abord attaqué les Romains avec un appareil dénué de puissance réelle, mais imposant par son éclat, comme les déclamations des sophistes ; puis ensuite il s’était corrigé par le ridicule dont l’avaient couvert ses défaites : aussi, lorsqu’il voulut recommencer la guerre, il réduisit ce fastueux appareil à de véritables forces. Il retrancha cette multitude confuse de nations diverses, ces menaces de Barbares proférées en vingt langues, ces armes ornées d’or et de pierreries comme choses qui ne sont bonnes qu’à enrichir le vainqueur, sans donner aucune force à ceux qui les portent : il fit forger des épées à la romaine, et façonner des boucliers massifs ; il rassembla des chevaux bien dressés plutôt que magnifiquement parés ; il mit sur pied cent vingt mille hommes d’infanterie, disciplinés comme les Romains, et seize mille cavaliers, outre cent quadriges armés de faux. Enfin les vaisseaux qu’il équipa, au lieu de ces pavillons dorés, de ces bains de concubines, de ces appartements de femmes voluptueusement meublés,