Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/470

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suggéré, suivant Aristobule, de ne pas négliger une femme si belle, et d’un esprit plus parfait encore que sa beauté. Mais, quand il vit les autres captives, qui toutes étaient d’une taille et d’une beauté singulières, il dit, en badinant, que les femmes de Perse étaient le tourment des yeux. Au charme de leur figure, il opposait la beauté de sa propre continence et de sa propre sagesse, et passait auprès d’elles comme devant de belles statues inanimées.

Philoxénus, commandant des provinces maritimes, lui écrivit un jour qu’un certain Théodore, Tarentin, qui était auprès de lui, avait deux jeunes garçons à vendre, d’une grande beauté ; il demandait au roi s’il voulait les acheter. Alexandre, indigné de la proposition, s’écria plusieurs fois devant ses amis : « Quelle action honteuse m’a donc vu faire Philoxénus, pour me proposer de pareilles infamies ! » Il fit à Philoxénus, dans sa réponse, les plus vifs reproches, et lui ordonna de renvoyer à la mal’heure ce Théodore avec sa marchandise. Il réprimanda non moins fortement un jeune homme nommé Agnon, qui lui écrivit qu’il voulait acheter Crobylus, de Corinthe, jeune garçon d’une beauté merveilleuse, et le lui amener. Informé que Damon et Timothée, deux Macédoniens qui servaient sous Parménion, avaient violé les femmes de quelques soldats mercenaires, il écrivit à Parménion que, si ses deux hommes étaient convaincus du crime, il les fît punir de mort, comme des bêtes féroces nées pour être le fléau des hommes. Et, dans cette lettre, il disait de lui en propres termes : « Pour moi, on ne me reprochera pas d’avoir vu ou songé à voir la femme de Darius ; je n’ai pas même souffert qu’on parlât de sa beauté devant moi. » C’était surtout à deux choses qu’il se reconnaissait mortel, au sommeil et à l’amour, parce qu’il regardait la lassitude et la volupté comme deux effets d’une même cause, la faiblesse de notre nature.