Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/477

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canopique ; mais aujourd’hui elle tient au continent par une chaussée. Il fut frappé de l’admirable disposition des lieux ; car cette île est une bande de terre assez étroite, placée comme un isthme entre la mer et un étang considérable[1], et qui se termine par un grand port. « Homère, dit-il, ce poète merveilleux, est aussi le plus habile des architectes ; » et il ordonna qu’on traçât un plan de la nouvelle ville, conforme à la position du lieu. Comme on n’avait pas de craie sous la main, on prit de la farine, et on traça sur le terrain, dont la couleur est noirâtre, une enceinte arrondie en forme de chlamyde[2], dont la surface était fermée à la base par deux lignes droites de grandeur égale, et qui en étaient comme les deux franges. Le roi considérait ce plan avec plaisir, lorsque tout à coup un nombre infini de grands oiseaux de toute espèce vinrent fondre, semblables à des nuées, sur le lieu où l’on avait dessiné l’enceinte, et ne laissèrent pas trace de toute cette farine. Alexandre était troublé de ce prodige ; mais les devins le rassurèrent, en lui disant que la ville qu’il bâtirait aurait en abondance toute sorte de biens, et nourrirait un grand nombre d’habitants venus de tous les pays du monde. Il ordonna donc aux architectes de se mettre sur-le champ à l’œuvre.

Pour lui, il partit pendant ce temps-là pour aller au temple d’Ammon. Le chemin était long, fatigant, et tout plein de grandes difficultés. Il y avait deux dangers à courir : d’abord la disette d’eau, qui rend le pays désert pendant plusieurs journées de marche ; ensuite la chance d’être surpris, en traversant ces immenses plaines de sables mouvants, par un vent violent du midi, comme il arriva à-l’armée de Cambyse : ce vent, ayant soulevé

  1. Le lac Maréa, ou Maréotis.
  2. Manteau militaire des Macédoniens.