Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/535

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dans tous les théâtres, ils fussent assis aux premières places, avec des couronnes sur la tête ; et il ordonna qu’on payât une solde aux orphelins dont les pères étaient morts dans le cours de la guerre.

Arrivé à Ecbatane en Médie, il expédia les affaires les plus pressées, et il se remit aux spectacles et aux fêtes, car trois mille artistes lui étaient arrivés de Grèce. Mais, dans ces jours-là mêmes, Héphestion tomba malade de la fièvre : jeune, et homme de guerre, il ne put s’accoutumer à une diète exacte ; et, pendant que Glaucus, son médecin, était allé au théâtre, il se mit à dîner, mangea un coq rôti, et but une grande coupe de vin rafraîchi : cet excès accrut le mal, et peu après Héphestion mourut. Alexandre laissa le champ libre à la violente douleur que lui causa cette perte. Il fit couper aussitôt, en signe de deuil, les crins à tous les chevaux, à tous les mulets de l’armée, et abattre les créneaux des villes des environs. Le malheureux médecin fut mis en croix ; pendant longtemps l’usage des flûtes et toute espèce de musique cessèrent dans le camp ; mais il arriva un oracle d’Ammon, qui ordonnait d’honorer Héphestion, et de lui sacrifier comme à un héros.

Alexandre chercha dans la guerre une distraction à sa douleur : il partit comme pour une chasse d’hommes, subjugua la nation des Cusséens[1], et les fit passer tous au fil de l’épée, jusqu’aux femmes et aux enfants. Cette horrible boucherie s’appelait le sacrifice des funérailles d’Héphestion.

Alexandre se proposait de dépenser dix mille talents[2] pour la construction du tombeau et les frais des obsèques, et de surpasser encore l’immensité de la dépense par la recherche et la magnificence des ornements. Entre

  1. D’autres les nomment Cosséiens.
  2. Environ soixante millions de francs.