Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/548

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sein de séduction, et si on lui laisserait jouer de pareils jeux et entreprendre des nouveautés si téméraires. Les partisans de Marius, de leur côté, reprirent confiance en leur cause : ils se montrèrent tout à coup en foule innombrable, et remplirent le Capitole du bruit de leurs applaudissements. Beaucoup d’entre eux, en voyant la figure de Marius, versaient des larmes de joie ; tous, ils élevaient César jusques aux nues ; ils le proclamaient seul digne de la parenté de Marius. Le Sénat s’assembla à cette occasion ; et Catulus Lutatius, le plus estimé de tous les Romains de son temps, se leva, et, parlant avec force contre César, il dit cette parole, qui est demeurée célèbre : « César n’attaque plus la république par la sape ; le voilà qui dresse ouvertement ses batteries. » Mais, César s’étant justifié auprès du Sénat, ses admirateurs conçurent de plus hautes espérances encore : ils l’encouragèrent à ne rien rabattre de sa fierté ; il l’emporterait sur tous ses rivaux, disaient-ils, du consentement du peuple, et il aurait le premier rang dans Rome.

Sur ces entrefaites, le grand pontife Métellus mourut ; et la dignité qu’il laissait vacante fut briguée avec chaleur par Isauricus et Catulus, deux des plus illustres personnages de Rome, et qui avaient le plus d’autorité dans le Sénat. César ne céda point devant de tels compétiteurs ; il se présenta au peuple, et fit sa brigue de son côté. Les trois rivaux avaient également de quoi soutenir leurs prétentions. Catulus, qui redoutait le plus, à raison de la considération dont il jouissait, les incertitudes de la lutte, fit offrir secrètement à César des sommes considérables, s’il voulait se désister de sa poursuite ; César répondit qu’il en emprunterait de plus grandes encore pour soutenir la rivalité. Le jour de l’élection, sa mère l’accompagna tout en larmes jusqu’à la porte de sa maison. « Ma mère, lui dit César en l’embrassant, tu verras aujourd’hui ton fils ou grand pontife ou banni. » Quand