Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/578

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pour irriter ses soldats, leur montrant des hommes distingués, des magistrats romains obligés de s’enfuir en habits d’esclaves, dans des voitures de louage ; car c’est sous ce déguisement qu’ils étaient sortis de Rome, dans la crainte d’être reconnus.

César n’avait auprès de lui que cent cavaliers et cinq mille hommes de pied. Il avait laissé au delà des Alpes le reste de son armée ; et ceux qu’il avait dépêchés pour la quérir n’étaient pas encore arrivés. Mais il vit que le commencement de l’entreprise et la première attaque n’exigeaient pas tant un grand nombre de bras qu’un coup de main dont la hardiesse et la célérité frappât ses ennemis de stupeur, et qu’il lui était plus facile de les effrayer en tombant sur eux lorsqu’ils s’y attendaient le moins, que de les forcer en venant avec de grands préparatifs. Il ordonne donc à ses tribuns et à ses centurions de ne prendre que leurs épées pour toute arme, et d’aller se saisir d’Ariminum[1], ville considérable de la Gaule, sans tuer personne, autant que faire se pourrait, et sans y soulever de tumulte. Il remit à Hortensius la conduite de son armée, et passa le jour en public à voir combattre des gladiateurs ; puis, un peu avant la nuit, il prit un bain, et, entrant dans la salle à manger, il resta quelque temps avec ceux qu’il avait invités à souper. Dès que la nuit fut venue, il se leva de table, engageant les convives à faire bonne chère, et les priant de l’attendre, car il reviendrait bientôt. Il avait prévenu quelques-uns de ses amis de le suivre, non pas tous ensemble, mais chacun par un chemin différent ; et, montant lui-même dans un chariot de louage, il poussa d’abord par une autre route que celle qu’il voulait tenir, et tourna ensuite vers Ariminium. Arrivé sur le bord de la rivière qui sépare la Gaule cisalpine du reste de l’Italie, il suspendit sa course,

  1. Aujourd’hui Rimini, dans la marche d’Ancône.