Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/599

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Il serait difficile de dire s’il se fit un jeu de tourner en ridicule Scipion, général des troupes ennemies, ou s’il voulut sérieusement s’approprier le bénéfice de l’oracle : toujours est-il qu’il y avait dans son camp un homme obscur et méprisé, qui était de la famille des Scipions, et qui se nommait Scipion Sallutio. César le mettait dans les combats à la tête de l’armée, comme s’il eût été un véritable général.

César était obligé d’en venir souvent aux mains avec les ennemis ; car il avait peu de vivres pour les hommes, et peu de fourrages pour les chevaux, qu’il fallait nourrir avec de la mousse et de l’algue marine, qu’on faisait macérer dans de l’eau douce, et à laquelle on mêlait quelque peu de chiendent pour lui donner un peu de goût. Les Numides, montés sur leurs légers chevaux, se montraient tous les jours en grand nombre, et étaient maîtres de la campagne. Un jour, les cavaliers de César, n’ayant rien à faire, s’amusaient à regarder un Africain qui dansait et jouait de la flûte à ravir ; charmés de son talent, ils étaient assis à l’admirer, et avaient laissé les chevaux à leurs valets : tout à coup les ennemis fondent sur eux, les enveloppent, tuent les uns, mettent les autres en fuite, et les poursuivent jusqu’à leur camp, où ils entrent pêle-mêle avec eux. Il fallut que César lui-même et Asinius Pollon sortissent des retranchements, pour voler à leur secours et arrêter la déroute, sans quoi la guerre se terminait ce jour-là. Dans une seconde rencontre, où les ennemis eurent encore l’avantage, César, voyant le porte-aigle prendre la fuite, court à lui, le saisit au cou, et le force de tourner tête, en lui disant : « C’est là que sont les ennemis. »

Scipion, enflé de ses succès, résolut de risquer une bataille : il laisse d’un côté Afranius, de l’autre Juba, qui campaient séparément à peu de distance de lui, et fortifie son camp au-dessus d’un lac, près de la ville de