Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/643

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parfumé comme tu l’es, et couvert de ce riche manteau, de vouloir prêcher aux Athéniens la frugalité des Spartiates, et de louer les institutions de Lycurgue ! »

Les orateurs d’Athènes s’étant opposés à ce qu’on envoyât à Alexandre les trirèmes qu’il avait fait demander aux Athéniens, le peuple ordonna à Phocion de donner son avis. « Mon avis, dit Phocion, est que vous soyez les plus forts par les armes, ou les amis de ceux qui le sont. » Pythéas, qui commençait à peine à parler devant le peuple, le faisait déjà avec tant d’audace, et étourdissait tellement l’assemblée de son babil, que Phocion lui dit : < Ne te tairas-tu point, toi si nouvellement acheté dans cette ville[1] ? » Quand Harpalus, qui commandait en Asie pour Alexandre, se fut enfui avec d’immenses richesses, et eut abordé dans l’Attique, tous ceux qui avaient coutume de s’enrichir à la tribune coururent à lui à l’envi, corrompus qu’ils étaient par l’appât de son or. Harpalus jeta à chacun d’eux une petite portion de ses grands trésors, comme pour les amorcer ; mais il envoya à Phocion sept cents talents[2], et mit sous sa sauvegarde tout le reste de ses richesses et sa personne même. Phocion ayant déclaré avec dureté qu’il ferait repentir Harpalus des démarches qu’il faisait pour corrompre la ville, Harpalus fut fort affligé de cette réponse, et se retira. Peu de temps après, les Athéniens délibérèrent sur son affaire ; Harpalus s’aperçut que les orateurs qui avaient reçu son argent avaient entièrement changé, et l’accusaient afin de se mettre à l’abri du soupçon de s’être laissé corrompre. Phocion seul, qui n’avait rien voulu recevoir de lui, ayant toujours en vue le bien général, ne laissait pas de travaillera le sauver.

  1. Phocion lui reprochait probablement par là de s’être vendu aux Macédoniens.
  2. Plus de quatre millions de francs.