Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/653

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nare[1] ; et ils eurent la liberté d’habiter dans le Péloponnèse. De ce nombre fut le sycophante Agnonidès.

Phocion gouvernait avec beaucoup de justice et de douceur ceux qui étaient demeurés dans Athènes, maintenant dans les charges les plus gens de bien, et éloignant de tout emploi ceux qu’il savait intrigants et curieux de nouveautés. Alors, réduits à l’impuissance d’exciter des troubles, et séchant dans leur inaction, ils prirent insensiblement du goût pour le séjour de la campagne et pour la culture des terres. Un jour, Phocion voyant Xénocrate payer le tribut dû par les étrangers à Athènes, voulut lui donner le droit de cité[2] ; mais Xénocrate refusa, disant que jamais il ne prendrait de part à ce gouvernement, parce qu’il avait été député vers Antipater afin de s’opposera son établissement. Ményllus envoya un jour, en présent à Phocion, une somme considérable. « Ményllus n’est pas plus grand seigneur qu’Alexandre, dit Phocion ; et aujourd’hui je n’ai pas de motif plus plausible de recevoir ce présent, que quand j’ai refusé ceux du roi. » Ményllus le pria de l’accepter, sinon pour lui, du moins pour son fils Phocus. « Si Phocus change de conduite, répondit Phocion, et qu’il devienne sage, le bien de son père lui suffira ; mais s’il continue de vivre comme il fait, jamais il n’aurait assez. » Il répondit plus sèchement encore à Antipater, qui lui demandait une chose malhonnête. « Il est impossible, dit-il, que je sois en même temps le flatteur et l’ami d’Antipater. » Antipater disait que de deux amis qu’il avait à Athènes, Phocion et Démade, jamais il n’avait pu faire rien recevoir à l’un, ni contenter l’avidité de l’autre.

Aussi, rien ne faisait mieux ressortir la vertu de Pho-

  1. En Laconie.
  2. Xénocrate était de Chalcédoine.