Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/700

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des maux, c’est d’abandonner, de livrer à la discrétion d’hommes pervers, une ville à laquelle tu dévoues toute ta vie, et de donner à croire que tu es bien aise de n’avoir plus de combats à soutenir pour elle. Si Caton n’a pas besoin de Rome, Rome a besoin de Caton ; tous ses amis ont besoin de lui, et moi le premier, car je vois Clodius qui prépare ses intrigues pour me perdre, et qui marche ouvertement contre moi, armé de la puissance du tribunat. » Caton, amolli, dit-on, par ces discours et par toutes les prières dont il était assailli dans sa maison et au Forum, finit, à grand’peine, par se laisser forcer : il alla prêter le serment le dernier de tous, à l’exception de Favonius, un de ses intimes amis.

Enflé de cette victoire, César proposa une autre loi, pour partager aux citoyens pauvres et indigents la Campanie presque tout entière. Personne, hormis Caton, n’osa s’opposer à cette loi ; et César, l’ayant fait saisir par ses licteurs, le fit traîner de la tribune à la prison, sans que Caton rabattit rien de la franchise de son langage : il ne cessait, tout en marchant, de parler contre la loi, et d’exhorter le peuple à réprimer des hommes qui gouvernaient si mal. Le Sénat suivait ses pas avec un air consterné ; et la plus saine partie du peuple témoignait, par son silence, sa douleur et son indignation. César, malgré ce mécontentement manifeste, s’obstina néanmoins à faire emmener Caton, dans l’espérance qu’il en appellerait au peuple, et qu’il aurait recours aux prières. Mais Caton montra, par sa contenance, qu’il n’en ferait rien ; et César, vaincu par la honte et par l’indignité de son action, envoya secrètement un des tribuns, pour tirer Caton des mains des licteurs.

Le peuple, séduit par ces lois et par ces largesses, accorda, par un décret, à César, le gouvernement pour cinq ans des deux Illyries et de toute la Gaule, avec quatre légions ; et Caton prédit aux citoyens qu’ils éta-