Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/727

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Après avoir passé l’hiver en Afrique, il se remit en marche avec son armée, qui était d’environ dix mille hommes. Les affaires de Scipion et de Varus étaient en mauvais état : la mésintelligence et la division qui régnaient entre eux les obligeaient de faire la cour à Juba, et de ramper devant cet homme enflé de ses richesses et de sa puissance, insupportable par son arrogance et son orgueil. Lorsqu’il donna à Caton sa première audience, il fit placer son siège entre ceux de Scipion et de Caton. Mais Caton prit aussitôt son siège, et le porta à côté de Scipion, qu’il mit ainsi au milieu, quoique Scipion fût son ennemi, et qu’il eût publié contre lui un libelle rempli d’injures. Cependant on ne lui sut aucun gré de ce trait de courage : même on lui reproche d’avoir, en se promenant en Sicile avec Philostrate, mis ce philosophe au milieu par honneur pour la philosophie. Quoi qu’il en soit, Caton réprima, dans cette occasion, l’insolence de Juba, lequel réduisait en quelque sorte Scipion et Varus à un rôle de satrapes, et il réconcilia ces deux généraux.

Tous étaient d’avis que Caton prît le commandement de l’armée ; Scipion et Varus étaient les premiers à le lui céder ; mais il répondit qu’il ne violerait pas les lois, pour la conservation desquelles on faisait la guerre à celui qui les avait violées ; qu’il n’était que propréteur, et qu’il ne commanderait pas en présence d’un proconsul. Scipion, en effet, avait été nommé proconsul ; d’ailleurs son nom inspirait de la confiance aux troupes, et l’on ne doutait pas du succès, lorsqu’un Scipion commandait en Afrique. Scipion se mit donc à la tête de l’armée ; et d’abord, pour faire sa cour à Juba, il voulut faire égorger, sans distinction d’âge ni de sexe, tous les habitants d’Utique[1], et raser la ville jusqu’aux fondements,

  1. Sur la côte d’Afrique, près du promontoire d’Apollon, qui est vis-à-vis la Sardaigne.