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LUCULLUS.

tion des affaires ; soit qu’il jugeât les maux de la république irrémédiables, soit, comme d’autres le disent, qu’il fût rassasié de gloire, et voulût se reposer de tant de travaux et de tant de combats, qui n’avaient pas eu une fin heureuse, au sein d’une vie douce et tranquille. Car il en est qui le louent de ce changement extraordinaire, parce qu’il ne fit point comme Marius, lequel, après ses victoires sur les Cimbres, après tant et de si glorieux exploits, ne sut pas jouir d’un honneur si digne d’envie, et s’en alla, par un désir insatiable de gloire et de domination, disputer le commandement à des jeunes gens, lui vieillard : tentatives où il trouva les écueils qui le précipitèrent dans des forfaits horribles, et dans des maux plus affreux encore. « Cicéron, disent-ils, aurait vieilli plus heureusement, s’il eût vécu dans la retraite après avoir étouffé la conjuration de Catilina. Scipion eût été plus heureux, s’il s’était tenu en repos après avoir ajouté la ruine de Numance à celle de Carthage. La vie politique, disent-ils encore, a, elle aussi, son terme : lorsqu’on n’a plus la force et la vigueur de l’âge, les luttes politiques, comme celles des athlètes, n’ont plus que de mauvaises chances. » Mais Crassus et Pompée raillaient Lucullus sur cette vie de délices et de voluptés à laquelle il s’abandonnait : cet état de mollesse était encore moins convenable à des vieillards, pensaient-ils, que les soins de l’administration et la conduite des armées.

La vie de Lucullus ressemble, en effet, à ces pièces de l’ancienne comédie, où on voit au début des hommes d’État, des généraux en action, et, au dénoûment, des festins, des débauches, que dis-je ? des mascarades, des courses aux flambeaux, des jeux de toute espèce. Car je mets au nombre de ces bagatelles les édifices somptueux, les vastes promenades, les salles de bain, et, encore plus, ces tableaux, ces statues, ces chefs-d’œuvre de l’art que Lucullus rassembla de toutes parts à grands frais, abusant