Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/163

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taille contre trente mille hommes, n’en ayant lui-même que vingt mille. Du reste, il montra, dans cette situation périlleuse, une capacité admirable ; ses Spartiates firent preuve d’un très-grand courage, et il n’eut pas sujet de se plaindre des étrangers qu’il avait à sa solde : sa défaite n’eut pour cause que la supériorité de l’armure des ennemis, et le poids de la phalange macédonienne.

Toutefois Phylarque dit que la trahison fut la principale cause du désastre de Cléomène. Antigonus avait ordonné aux Illyriens et aux Acarnaniens qui servaient dans son armée d’étendre secrètement leurs bataillons, pour envelopper une des ailes de Cléomène, qui était commandée par son frère Euclidas, pendant qu’il rangerait lui-même le reste de ses troupes en bataille. Cléomène qui, de la hauteur où il était placé, observait tout avec soin, ne voyant point les armes des Illyriens et des Acarnaniens, soupçonna qu’Antigonus s’en servait pour quelque stratagème. Il fit donc appeler Damotélès, qu’il avait chargé de veiller aux embûches que l’ennemi pouvait dresser, et lui commanda d’aller tout examiner, et d’observer, en faisant le tour de l’armée, en quel état étaient les derrières. Damotélès, qui était déjà corrompu, dit-on, par l’argent d’Antigonus, répondit à Cléomène qu’il pouvait être tranquille au sujet des derrières de l’armée, que tout y allait bien, et qu’il ne devait songer qu’à pousser vigoureusement ceux qu’il avait en tête. Cléomène, d’après cette assurance, marcha contre Antigonus ; et, secondé par l’ardeur impétueuse des Spartiates, il repoussa la phalange macédonienne jusqu’à une distance de cinq stades[1], en la pressant avec une extrême vigueur. Mais tout à coup il aperçut à l’autre aile Euclidas enveloppé par les Illyriens et les Acarnaniens. À la vue du danger où était cette aile, il s’écria : « Tu es perdu, ô mon frère,

  1. Environ un quart de lieue.