Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

eux, monté sur un char, ils vont droit à lui, écartant les domestiques et les gardes qui l’environnent, puis, le précipitant de son char, ils le tuent sur la place. Ils marchent ensuite vers la citadelle, dans le dessein d’enfoncer les portes de la prison, et de prendre avec eux les détenus, qui y étaient en grand nombre. Mais les geôliers les avaient prévenus : les portes étaient si bien fermées, que Cléomène fut obligé d’abandonner l’entreprise. Il erra çà et là dans la ville sans que personne vînt se joindre à lui : tous fuyaient à sa rencontre saisis de frayeur.

Perdant alors toute espérance, il dit à ses amis : « Ce n’est pas chose étonnante que des femmes commandent à des hommes qui fuient ainsi la liberté. » Et il les exhorta à mourir d’une manière digne de leurs exploits. Hippotas demanda et obtint qu’un des plus jeunes de la troupe le tuât le premier ; les autres se tuèrent eux-mêmes, sans effort et sans crainte, hormis Pantéus, celui qui était entré le premier dans Mégalopolis. C’était un jeune homme d’une grande beauté, et plus heureusement né qu’aucun autre pour la discipline des Spartiates : le roi, qui l’aimait tendrement, lui avait recommandé d’attendre qu’il le vît tomber mort lui et tous les autres, et de se tuer le dernier. Quand donc il les vit tous étendus par terre, il les visita les uns après les autres, et les tâta avec la pointe de son épée, pour s’assurer s’il n’y en avait pas quelqu’un qui fût encore en vie. En piquant Cléomène au talon, comme il eut aperçu quelque contraction sur son visage, il le baisa, et s’assit auprès de lui ; puis, après l’avoir vu expirer, il l’embrassa de nouveau, et se tua sur son corps.

Ainsi périt Cléomène, après avoir été pendant seize ans roi de Sparte, et s’être montré tel que nous l’avons décrit. Lorsque la nouvelle de sa mort se fut répandue dans la ville, Cratésicléa, sa mère, quoique femme d’un