Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/21

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il est certain, notamment, que son langage, quand il s’adressait au peuple, était plein de franchise : il gourmandait les passions de la multitude, il critiquait sévèrement ses écarts, comme on peut s’en convaincre à la lecture de ses harangues. Les Athéniens, au rapport de Théopompe, ayant voulu l’obliger d’accuser quelqu’un, il refusa ; et, comme le peuple en témoignait son mécontentement par des cris, il se leva : « Athéniens, dit-il, je Vous donnerai toujours mes conseils, quand même vous ne le voudriez pas ; mais je ne ferai jamais le métier de délateur, quand même vous le voudriez. » Sa manière d’agir à l’égard d’Antiphon marque bien tout son attachement pour le parti aristocratique. Antiphon avait été absous par l’assemblée du peuple, dans une affaire capitale. Démosthène reprit l’accusation, traduisit Antiphon devant l’Aréopage ; et, s’embarrassant peu de déplaire au peuple, il le convainquit d’avoir promis à Philippe de brûler l’arsenal d’Athènes, et le fit condamner à mort par les sénateurs. Démosthène se porta aussi accusateur de la prêtresse Théoris : il lui imputait plusieurs délits, et, entre autres, d’enseigner aux esclaves à tromper leurs maîtres ; et Théoris, sur les conclusions de l’orateur, fut punie du dernier supplice.

On assure que c’est Démosthène qui avait composé le plaidoyer qu’Apollodore prononça contre le général Timothée, et par lequel il le fit condamner à restituer au trésor public des sommes considérables. On attribue encore à Démosthène les discours contre Phormion et contre Stéphanus : ce qui fut justement blâmé ; car Phormion se défendit contre Apollodore avec un discours de Démosthène, lequel avait écrit, par conséquent, pour les deux parties adverses, comme s’il eût vendu à deux ennemis, pour se battre, deux épées sorties du même atelier.

Entre ses harangues publiques, celles qui sont contre