Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/231

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ignorance de ce que doit connaître tout homme qui veut vivre selon les règles de l’honnêteté. Voilà pourquoi les anciens Spartiates, dans les jours de fête, contraignaient les Hilotes à boire avec excès, et les menaient ensuite dans les salles des repas publics, afin d’inspirer aux jeunes gens l’horreur de l’ivresse.

Pour nous, tout en regardant cette manière de corrompre les uns pour corriger les autres comme contraire aux principes de l’humanité et de la politique, nous ne croyons pas néanmoins inutile de faire entrer, dans le recueil de ces Vies, un ou deux parallèles de ces hommes illustres qui se sont abandonnés à la licence, et qui, dans les hautes dignités dont ils ont été revêtus, et dans les affaires importantes qu’ils ont traitées, ne se sont servis de leur élévation que pour mettre leurs vices dans un plus grand jour ; non qu’en cela nous ayons en vue de flatter les lecteurs, et de les divertir par la variété de nos peintures, à Dieu ne plaise ! mais nous voulons imiter Isménias le Thébain, qui avait coutume de faire entendre à ses disciples, d’abord un homme qui jouait bien de la flûte, puis un autre qui en jouait mal, et de leur dire, en parlant du premier : « Voilà comme il faut jouer ; » et de l’autre : « Voilà comme il ne faut pas jouer. » Et, de même qu’Antigénidas disait que les jeunes gens entendaient avec un plus grand plaisir de bons joueurs de flûte après en avoir entendu de mauvais, il me semble aussi que nous serons spectateurs plus zélés et imitateurs plus ardents des vies vertueuses, si celles qui sont mauvaises et généralement blâmées ne nous sont pas tout à fait inconnues. Ce volume contiendra donc la Vie de Démétrius, surnommé Poliorcète, et celle d’Antoine le triumvir[1], deux hommes qui ont également

  1. Le texte dit τοῦ αὐτοκράτορος. Il est probable que Plutarque ne se sert ici de ce terme que faute d’un mot grec équivalent au latin triumvir. Du reste, le mot αὐτοκράτωρ désigne une autorité sans contrôle ; et rien ne bornait celle d’Octave, de Lépidus et d’Antoine.