Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/32

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tint le pardon des orateurs, et réconcilia les Athéniens avec Alexandre.

Quand Alexandre fut loin de la Grèce, le crédit des autres orateurs se maintint dans tout son éclat, mais celui de Démade diminua beaucoup, pour se relever un moment lorsque le Spartiate Agis entra en campagne ; mais ce changement ne fut pas de longue durée. Les Athéniens ne bougèrent, Agis fut tué, et les Lacédémoniens écrasés. Ce fut à cette époque qu’on reprit, contre Ctésiphon, l’affaire de la couronne : l’accusation avait été intentée sous l’archonte Charondas, peu de temps avant la bataille de Chéronée ; elle ne fut jugée que dix ans après, sous l’archonte Aristophon. Jamais cause publique n’eut plus de retentissement, tant par le renom des orateurs que par le courage des juges. Malgré le crédit dont jouissaient les accusateurs de Démosthène, soutenus de tout le crédit des Macédoniens, les juges, loin de donner leurs suffrages contre lui, prononcèrent une éclatante absolution ; jusque-là qu’Eschine n’eut pas pour lui le cinquième des voix[1]. Honteux de sa défaite, il sortit de la ville incontinent, et alla se réfugier à Rhodes et dans l’Ionie, où il passa le reste de ses jours à donner des leçons d’éloquence.

Peu de temps après, Harpalus vint d’Asie à Athènes : il s’était enfui d’auprès d’Alexandre, parce qu’il s’était rendu coupable, pour satisfaire à ses prodigalités, de malversations considérables, et parce qu’il craignait Alexandre, devenu redoutable à ses amis mêmes. Il implorait la protection du peuple, et se remettait à sa discrétion, lui, ses richesses et ses vaisseaux. Les autres orateurs, éblouis par l’éclat de l’or, se déclarèrent pour

  1. Il fallait que l’accusateur eût la moitié plus un cinquième des voix, sinon il était condamné à une amende de mille drachmes, neuf cents francs environ de notre monnaie.