Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/330

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toute grande, toute éclatante qu’elle était, s’éclipserait devant celle de César, et lui conseillait de s’éloigner du jeune homme le plus qu’il pourrait. « Ton mauvais Génie, lui disait-il, redoute le sien : fier et haut quand il est seul, il perd, devant celui de César, toute sa grandeur, et devient faible et timide. « Quoi qu’il en soit, les conjectures de l’Égyptien se vérifiaient tous les jours ; car, toutes les fois qu’Antoine s’amusait à tirer quelque chose au sort, ou à jouer aux dés avec César, il avait, dit-on, toujours le dessous. Souvent ils faisaient combattre des coqs ou des cailles dressés à cet effet ; et ceux de César avaient toujours l’avantage. Antoine, secrètement blessé d’une supériorité si marquée, et qui commençait à en croire davantage l’Égyptien, quitta l’Italie, laissant ses affaires personnelles aux mains de César, et mena avec lui, jusqu’en Grèce, sa femme Octavie, dont il avait une fille. Comme il passait l’hiver à Athènes, il reçut la nouvelle des premiers succès de Ventidius, qui avait défait les Parthes en bataille rangée : Labiénus, ainsi que Pharnapatès, le plus habile des généraux du roi Orodès[1], était resté parmi les morts. Dans la joie que causa à Antoine cette heureuse nouvelle, il donna aux Grecs un grand festin, et présida lui-même aux exercices gymniques : laissant chez lui toutes les marques de sa dignité, il se rendit au gymnase vêtu d’une longue robe, chaussé de pantoufles à la grecque, et ayant en main la verge que les gymnasiarques ont coutume de porter ; et, quand les jeunes gens avaient assez combattu, c’était lui qui allait les séparer.

Lorsqu’il voulut partir pour l’armée, il prit une couronne faite de branches de l’olivier sacré ; et, pour obéir à quelque oracle qui lui avait été rendu, il remplit un vase d’eau de la fontaine Clepsydre[2], et l’emporta avec lui.

  1. C’est le même qui est appelé Hyrodès dans la Vie de Crassus.
  2. Cette fontaine était dans l’Acropole : on la nommait Clepsydre, parce que tantôt elle était pleine et tantôt à sec : elle se remplissait au temps où soufflent les vents étésiens, et tarissait dans les autres temps.