Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/358

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Chaque ville y envoyait un bœuf pour les sacrifices ; et les rois disputaient à l’envi les uns des autres à qui donnerait les festins les plus magnifiques et les plus riches présents. Aussi se demandait-on de toutes parts ce que feraient ces rois pour célébrer leurs victoires, dans leurs pompes triomphales, puisque, pour des préparatifs de guerre, ils donnaient des fêtes si splendides.

Les fêtes terminées, Antoine donna et assigna pour habitation aux comédiens qu’il avait employés la ville de Priène[1] ; puis il s’embarqua pour Athènes, où il passa de nouveau son temps en jeux et en spectacles. Cléopâtre, jalouse des honneurs qu’Octavie avait reçus en cette ville, où elle avait été comblée par les habitants de témoignages singuliers d’affection, gagna la bienveillance du peuple par ses largesses. Aussi les Athéniens lui décernèrent-ils de grands honneurs, dont ils lui envoyèrent le décret par des députés, à la tête desquels était Antoine, en sa qualité de citoyen d’Athènes : ce fut même lui qui porta la parole au nom de la ville. Vers le même temps il envoya à Rome chasser Octavie de sa maison. Elle en sortit, emmenant, dit-on, avec elle, tous les enfants d’Antoine, hormis l’aîné de ceux de Fulvie, qui était alors avec son père : elle fondait en larmes, et se désolait de pouvoir être regardée comme une des causes de la guerre civile. Les Romains gémissaient sur son sort, mais plus encore sur l’aveuglement d’Antoine, surtout ceux qui avaient vu Cléopâtre, laquelle ne l’emportait sur Octavie ni en beauté ni en jeunesse.

César, informé de la grandeur et de la promptitude des préparatifs d’Antoine, en fut fort troublé ; car il craignit de se voir contraint à commencer la guerre cet été-là même, quand il manquait encore de beaucoup de choses nécessaires, et que le peuple était mécontent des

  1. Ville d’Ionie, dans l’Asie Mineure.