Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/493

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drait à sauver un Lycien : il n’y en eut, dit-on, que cent cinquante qui ne se refusèrent pas à leur conservation. Ainsi donc les Xanthiens, après avoir achevé, dans un long espace d’années, la révolution que le destin avait marquée pour leur ruine, renouvelèrent, par leur audace, la catastrophe de leurs ancêtres, lesquels, au temps des guerres persiques, brûlèrent eux-mêmes leur ville, et s’ensevelirent sous ses décombres.

Brutus, voyant la ville de Patare[1] se préparer à une défense vigoureuse, balançait néanmoins à entreprendre le siège ; car il craignait que les habitants ne se portassent à un désespoir semblable à celui des Lyciens. Mais, ayant fait quelques femmes prisonnières, et les ayant renvoyées sans rançon, celles-ci vantèrent tant à leurs maris et à leurs pères, qui étaient des plus considérables de la ville, la modération et la justice de Brutus, qu’elles leur persuadèrent de remettre Patare entre ses mains. Dès lors toutes les autres villes se soumirent : elles se livrèrent à sa discrétion ; et Brutus les traita avec plus de douceur et de clémence qu’elles n’avaient osé l’espérer. Car, tandis que Cassius obligea les Rhodiens, dont il avait pris la ville vers le même temps, de lui apporter tout leur or et tout leur argent, ce qui produisit une somme de huit mille talents[2], outre une amende de cinq cents talents[3] qu’il exigea de la ville, Brutus ne leva sur les Lyciens qu’une contribution de cent cinquante talents[4] ; et, sans causer d’autre dommage à leur pays, il partit pour l’Ionie.

Il fit là plusieurs actions dignes de mémoire, soit dans les récompenses qu’il décerna, soit dans les châtiments qu’il infligea. Je n’en rapporterai ici qu’une seule, celle dont

  1. C’était aussi une ville de Lycie.
  2. Environ quarante-huit millions de francs.
  3. Environ trois millions de francs.
  4. Environ neuf cent mille francs.