Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/535

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vaut mourir ! » Et il piqua son cheval contre Cyrus, qui, tête baissée et sans précaution aucune, se jetait au milieu d’une grêle de traits qui pleuvaient sur lui de toutes parts. La javeline du roi l’atteignit ; et tous ceux qui l’environnaient tirèrent à la fois sur lui. Les uns disent que Cyrus mourut du coup que lui porta le roi ; les autres prétendent qu’il fut tué par un soldat carien auquel le roi permit, pour récompense de cet exploit, de porter, à la tête de l’armée, dans tous les combats, un coq d’or au bout d’une pique ; car les Perses donnent aux Cariens le nom de Coqs, à cause des crêtes qui surmontent leurs casques.

J’abrégerai le récit de Ctésias, qui est fort étendu. Après avoir tué Artagersès, Cyrus, dit-il, marcha droit au roi qui s’avançait lui-même, et tous deux en silence. Ariéus, l’ami de Cyrus, porta au roi le premier coup, sans le blesser ; Artaxerxès lança sa javeline : elle n’atteignit point Cyrus, mais elle frappa Tisapherne[1], homme d’un grand courage et ami fidèle de Cyrus, et le tua. La javeline de Cyrus perça la cuirasse de son frère ; le trait pénétra de deux doigts dans la poitrine, et le roi tomba de cheval. Les troupes effrayées prirent la fuite. Artaxerxès se relève, quitte le champ de bataille ; et, suivi d’un petit nombre de ses gens, parmi lesquels Ctésias, il gagne un monticule, où il se tint en repos. Environné d’ennemis, Cyrus fut emporté fort loin par la fougue de son cheval ; la nuit empêcha qu’il ne fût reconnu des ennemis ; et ses gens le cherchèrent avec inquiétude. D’un naturel impétueux et plein d’audace, et animé encore par sa victoire, il courait à travers les bataillons du roi en criant : « Ouvrez-vous, malheureux » À ces mots,

  1. Il n’est pas probable que ce soit le même Tisapherne qui est signalé plus haut comme l’ennemi de Cyrus. D’autres lisent Satiphernès, ou même Satibarzanès.