Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/57

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avant que Pompée, qu’on disait déjà en chemin suivi de son armée, fût de retour à Rome. Ceux qui aiguillonnaient le plus Catilina, c’étaient les anciens soldats de Sylla, répandus dans toute l’Italie, et disséminés parmi les villes étrusques : ces hommes rêvaient une fois encore l’enlèvement et le pillage des richesses qu’ils avaient sous les yeux. Conduits par Mallius, un des officiers qui avaient servi avec honneur sous Sylla, ils entrèrent dans la conjuration de Catilina, et se rendirent à Rome pour l’appuyer dans les comices ; car Catilina briguait une seconde fois le consulat, bien résolu de tuer Cicéron à la faveur du trouble qui accompagne toujours les élections. Des tremblements de terre, des foudres, des apparitions de fantômes semblaient être des avertissements du ciel sur les complots qui se tramaient. On recevait aussi, de la part des hommes, des indices véritables, mais qui ne suffisaient point encore pour accabler un homme aussi considérable par sa noblesse et sa puissance que l’était Catilina. C’est pourquoi Cicéron, ayant différé de jour en jour les comices, cita Catilina devant le Sénat, et l’interrogea sur les bruits qui couraient. Catilina, persuadé qu’il y en avait dans le Sénat plus d’un qui désiraient une révolution, voulant d’ailleurs se relever aux yeux de ses complices, répondit à Cicéron avec une extrême arrogance. « Quel mal fais-je, dit-il, si, voyant deux corps dont l’un a une tête, mais est maigre et épuisé, et l’autre n’a pas de tête, mais est robuste et grand, je veux mettre une tête à celui-ci ? » Cicéron comprit que cette énigme désignait le Sénat et le peuple ; et sa frayeur ne fit que s’en accroître : il mit une cuirasse, et se fit escorter de sa maison au Champ de Mars, par les principaux citoyens et un grand nombre de jeunes gens de Rome. Il entr’ouvrit à dessein sa tunique au-dessous des épaules, et laissa apercevoir sa cuirasse, pour faire connaître aux assistants tout le danger. À cette vue, le peuple, indigné