Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/64

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La vue de cette flamme effraya les autres ; mais les vierges sacrées conseillèrent à Térentia, femme de Cicéron, d’aller sur-le-champ trouver son mari, et de le presser d’exécuter sans retard les résolutions qu’il avait prises pour le salut de la patrie, l’assurant que la déesse avait fait éclater cette lumière comme un présage de sûreté et de gloire pour lui-même. Térentia, qui, du reste, n’était point d’un caractère faible ni timide, qui même avait de l’ambition, et, comme le dit Cicéron lui-même, partageait plutôt avec son mari le soin des affaires publiques qu’elle ne lui communiquait ses affaires domestiques, alla lui porter l’ordre des vestales, et l’anima vivement contre les coupables. Autant en firent Quintus, frère de Cicéron, et Publius Nigidius, son compagnon d’étude dans la philosophie, homme dont il écoutait souvent les conseils dans les plus importantes affaires du gouvernement.

Le lendemain on délibéra, dans le Sénat, sur la punition des conjurés. Silanus opina le premier, et proposa qu’on les conduisit dans la prison publique, pour y être punis du dernier supplice. Tous ceux qui parlèrent après lui adoptèrent son opinion, jusqu’à ce que vint le tour de Caïus César, celui qui fut depuis dictateur. César était jeune encore, et commençait, vers ce temps-là, à jeter les fondements de sa grandeur future ; déjà même, par ses menées politiques et par ses espérances, il se frayait la route qui le conduisit enfin à changer en monarchie la république romaine. Personne n’y prenait garde ; Cicéron seul avait contre lui de grands soupçons, mais sans aucune preuve suffisante pour le convaincre. Quelques-uns assurent que Cicéron touchait au moment de le convaincre, mais que César eut l’adresse de lui échapper. D’autres prétendent que Cicéron négligea et rejeta même à dessein les preuves qu’il avait de sa complicité, parce qu’il craignait son pouvoir, et le grand nombre d’amis dont il était soutenu ; car tout le monde était persuadé