Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/668

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chait en tête de l’armée, ne l’eut pas plutôt aperçu, qu’elle lui courut sus en jetant de grands cris. Mais les centurions qui l’accompagnaient se mirent devant lui, arrêtèrent les cavaliers ; et les autres capitaines crièrent aux soldats de l’épargner. Cécina lui-même, informé de ce qui se passait, accourut, et apaisa les cavaliers ; puis, après qu’il eut salué Celsus amicalement, ils se rendirent tous ensemble à Bédriacum. Cependant Titianus se repentait d’avoir envoyé des députés aux ennemis : il choisit parmi les soldats les plus audacieux, les place sur les murailles, et exhorte les autres à défendre la place. Mais, quand ces hommes virent Cécina s’avancer à cheval et leur tendant la main, ils ne firent aucune résistance : les uns saluèrent les soldats du haut des murailles ; les autres ouvrirent les portes, sortirent de la ville, et allèrent se mêler avec les troupes qui arrivaient. Aucun ne se permit la moindre violence : ils s’embrassèrent mutuellement avec de grandes démonstrations d’amitié ; après quoi, prêtant serment à Vitellius, ils se rendirent à lui.

C’est ainsi que racontent cette bataille la plupart de ceux qui s’y trouvèrent, avouant néanmoins que l’inégalité du terrain et le désordre avec lequel on combattit ne leur permirent pas d’en connaître tous les détails. Mais, dans la suite, comme je passais sur le lieu même où s’était livrée cette bataille, Mestrius Florus, personnage consulaire, avec qui je me trouvais, me montra un vieillard qui, dans sa jeunesse, s’était trouvé à cette journée, non point volontairement, mais forcé par ceux du parti d’Othon. Cet homme nous raconta qu’après le combat il avait vu un monceau de morts si élevé, que les derniers rangs se trouvaient au niveau des personnes qui en approchaient[1] ; et il ajouta qu’ayant voulu en cher-

  1. Le texte est fort corrompu dans tout ce passage ; et l’on ne peut que conjecturer ce que Plutarque a voulu dire.