perdit son père, et resta avec un bien assez considérable, car l’estimation de son patrimoine se monta à la somme de quinze talents environ[1] ; mais il fut ruiné par l’infidélité de ses tuteurs, qui lui volèrent une partie de son avoir et laissèrent périr l’autre par leur négligence, jusque-là qu’ils refusèrent de payer le salaire de ses maîtres. Privé ainsi de l’éducation qui convenait à un enfant bien né, il ne put guère se former aux sciences et aux arts, outre que la faiblesse et la délicatesse de sa complexion ne permettaient pas à sa mère de l’accoutumer au travail, ni à ses pédagogues de l’y forcer. En effet, il était, dans son enfance, maigre et valétudinaire ; et c’est, dit-on, à cet état d’infirmité qu’il dut le surnom décrié de Batalus, que lui donnaient en plaisantant ses camarades. Or Batalus était, à ce que disent quelques-uns, un joueur de flûte efféminé, contre lequel Antiphanès[2] a composé une petite comédie. Selon d’autres, Batalus était un poète dont les ouvrages respiraient la mollesse et la débauche. Il paraît aussi que, dans ces temps-là, les Athéniens appelaient du nom de batalus une partie du corps que la pudeur ne permet pas de nommer. Le surnom d’Argas, qu’on avait encore, dit-on, donné à Démosthène, désignait ou la rudesse et l’âpreté de ses mœurs, car quelques poètes appellent le serpent argas, ou l’amertume de ses discours, qui blessaient les oreilles de ses auditeurs : en effet, Argas était le nom d’un poète qui faisait des chansons pleines de fiel et de malignité. Mais c’en est assez sur ce sujet, comme dit Platon[3].
Voici à quelle occasion l’on conte qu’il prit du goût pour l’éloquence. L’orateur Callistratès devait plaider,