Aller au contenu

Page:Plutarque traduit par Jacques Amyot Vol 5.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la vie, et qui ne subsisterent pas long-temps après luy. Vray est qu’il l’attira par ses desportements haultains : car rien ne deffailloit à son heur que d’aimer sa cité, et continuer plus soigneusement qu’il ne feit à donner contentement au senat et au peuple, comme il avoit commencé après ses cinq triumphes, pardonnant à tous, esleivant en charges les uns et les austres, et redressant mesme les statues de Pompeius. Or estant retombé en ce forcené desir d’estre encores plus grand, il irrita tant de personnes que plusieurs executerent ce dont un seul ne feust pas ayséement venu à chef.

Mais encores a-il cela de plus qu’Alexandre, que sa mort feut vengée : au contraire la mere, les femmes et enfants d Alexandre feirent une tres-pauvre fin, son armée demoura comme un corps sans teste, et eut bonne grace celuy qui la comparoit au Cyclope Polypheme, quand Ulysses luy eut crevé son oeil : ses capitaines et successeurs s’entre-mangerent par longues guerres.

Quant à Caesar il demoura debout en la personne de son successeur Auguste, lequel ayant surmonté infinies difficultez, establit une monarchie, laquelle en despit d’un million de tempestes a dure plusieurs centaines d’années : mesme le nom de Caesar, par excellent privilege est demouré à ceulx qui ont presidé apres luy sur l’empire Romain, et sa vaillance a esté, et encores aujourd huy est desirée de tous hommes qui par valeureux exploicts desirent acquerir à leur nom louange et gloire immortelle.

Vous m’attendiez icy, lecteur, pour veoir auquel des deux je donnerois la preseance : mais puisque le monde a esté trop petit à l’un et à l’austre, ce seroit passer trop avant si je disois resoluement ce qui m’en semble. Puis que j’ay desbattu pour l’un et pour l’austre, je me retire, et vous en laisse le jugement.

Fin de la Comparaison Alexandre le Grand avec Julius Caesar, et du Tome cinquième.