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LES TRAVAUX ET LES JOURS

à l’extrémité, des branches du figuier, la voie est couverte sur la mer : c’est la navigation du printemps. Je ne saurais, quant à moi, l’approuver ; il ne me plaît point qu’il faille si rapidement la saisir au passage ; difficilement on y échappe aux dangers ; mais les hommes s’y hasardent également dans leur folie : pour les malheureux mortels, c’est la vie que la richesse. Il est triste pourtant de périr dans les flots ; repasse dans ton esprit, je te le recommande, toutes mes instructions.

N’enferme point dans la carène de tes vaisseaux toute ta fortune ; laisses-en à terre la meilleure partie, n’expose que la moindre. C’est chose triste que d’aller à travers les mers chercher sa ruine. (Ce serait chose triste aussi, qu’emplissant immodérément ton chariot, tu en rompisses l’essieu et en perdisses la charge.) Garde en tout la mesure et choisis le moment : en toutes choses, c’est le principal.

Choisis pour conduire une femme dans ta maison l’âge où ta jeunesse sera dans sa force, quand tu n’auras ni beaucoup moins, ni beaucoup plus de trente ans. C’est là pour l’homme la saison du mariage. Pour la femme, qu’elle demeure quatre années nubile et se marie la cinquième. Prends-la vierge, afin de former ses mœurs ; prends-la dans ton voisinage, et, avant, observe, informe-toi, de peur d’épouser du plaisir pour tes voisins. L’homme ne peut rien rencontrer de meilleur que la femme, quand elle est bonne, mais rien de pire, quand elle est mauvaise, et qu’adonnée aux fêtes et aux festins, elle consume, sans torche, un époux robuste et le livre à la cruelle vieillesse.

Songe avec crainte à la justice des dieux immortels : ne te hâte point de mettre un ami au rang d’un frère,