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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

des usuriers. Le plus grand nombre et les plus animés d’entre eux s’étant assemblés, s’excitèrent les uns les autres à ne plus souffrir ces indignités : ils résolurent de se donner pour chef un homme digne de leur confiance, d’aller sous sa conduite délivrer les débiteurs qui n’avaient pu payer aux termes convenus, de faire un nouveau partage des terres et de changer toute la forme du gouvernement.

Dans cette fâcheuse conjoncture, les plus sages des Athéniens eurent recours à Solon, comme le seul qui ne fût suspect à aucun des partis, parce qu’il n’avait ni partagé l’injustice des riches, ni approuvé le soulèvement des pauvres : ils le prièrent de prendre en main les affaires et de mettre fin à ces divisions. Phanias de Lesbos prétend que Solon, pour sauver la ville, trompa également les deux factions ; qu’il promit secrètement aux pauvres le partage des terres, et aux riches la confirmation de leurs créances. Il ajoute cependant que Solon balança longtemps s’il prendrait une administration aussi difficile, où il avait à craindre et l’avarice des uns et l’insolence des autres. Enfin il fut élu archonte après Philombrotus et chargé en même temps de faire des lois de pacification. Ce choix fut agréable à tous les partis : aux riches, parce que Solon l’était lui-même ; aux pauvres, parce qu’ils le connaissaient pour un homme de bien. Il courut même alors ce mot de lui, que l’égalité ne produit pas la guerre, mot qui plut et aux riches et aux pauvres : les premiers espéraient compenser cette égalité par leurs dignités et leur vertu,