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NOTICE SUR SOLON

particulières, à terminer leurs différends et à les réconcilier ensemble. Pisistrate surtout paraissait entrer dans ses vues. Il était d’un caractère aimable, insinuant dans ses propos, secourable envers les pauvres, doux et modéré pour ses ennemis. Il savait si bien imiter les qualités que la nature lui avait refusées, qu’il paraissait les posséder à un plus haut degré que ceux qui en étaient doués naturellement, et qu’il passait généralement pour un homme modeste, réservé, zélé partisan de la justice et de l’égalité, ennemi déclaré de ceux qui voulaient changer la forme actuelle du gouvernement et introduire des nouveautés. C’était par cette dissimulation qu’il imposait au peuple. Mais Solon, qui eut bientôt connu son caractère, vit aisément où il tendait ; et, sans rompre avec lui, il essaya de l’adoucir, de le ramener par ses avis. Il lui disait souvent à lui-même et aux autres que si l’on pouvait déraciner de son âme cette ambition démesurée, cette soif de dominer dont il était dévoré, il n’y aurait pas dans Athènes de meilleur citoyen ni d’homme plus fait pour la vertu.

Cependant Pisistrate, après s’être blessé lui-même, se fit porter sur la place dans un chariot, et souleva la multitude en lui persuadant que c’étaient ses ennemis qui, ne pouvant souffrir son zèle pour la République, l’avaient mis dans cet état. La populace commençait déjà à faire éclater son indignation par des cris, lorsque Solon, s’approchant de Pisistrate, lui dit : « Fils d’Hippocrate, tu copies mal l’Ulysse d’Homère : il ne se blessa que pour surprendre ses enne-