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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

à la couronne d’or, et l’aimable Thétis, Cronos enfin, après tous, le rusé Cronos, de leurs enfants le plus terrible, qui, dès le jour de sa naissance, haïssait déjà son père. Géa enfanta encore les durs Cyclopes, Brontès, Stéropès, Argès, qui ont donné à Zeus sa foudre, qui ont forgé son tonnerre. Semblables en tout le reste aux autres dieux, ils n’avaient qu’un œil au milieu du front : mortels nés d’immortels, ils reçurent le nom de Cyclopes, à cause de cet œil unique, qui, au milieu de leur front, formait un cercle immense. Ils eurent en partage la force et excellèrent dans les arts. De Géa et d’Ouranos naquirent encore trois autres enfants, énormes, effroyables, qu’on n’ose nommer : c’étaient Cottos, Briarée, Gyas, race orgueilleuse ; de leurs épaules sortaient cent invincibles bras, et de là aussi, au-dessus de leurs robustes membres, s’élevaient cinquante têtes ; leur force était extrême, immense comme leur corps.

Or de tous ces rejetons que produisirent Géa et Ouranos, ils furent les plus terribles, et dès l’origine, en horreur à leur père. À peine ils étaient nés, qu’il les cachait au jour dans les profondeurs de la terre, semblant se plaire à ces détestables œuvres. Cependant Géa, que remplissait leur masse, gémissait amèrement au-dedans d’elle-même. Elle médite une ruse cruelle, engendre le fer, en forge une immense faux et, le cœur plein de tendresse, tient à ses enfants ce langage audacieux :

« Ô mes enfants, vous que fit naître un père dénaturé, si vous voulez m’en croire, nous nous vengerons de ses outrages, car, le premier, il vous a provoqués par ses forfaits. »

Elle dit, mais la crainte les saisit tous ; aucun n’élè-