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Page:Poésies de Madame Deshoulières 1824.djvu/212

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POÉSIES

Trois fois en marmottant dans ses eaux le plongèrent.
Tout ce qu’il avait de mortel
Demeura dans l’onde fatale,
Et l’on vit d’une ardeur égale
À ce chien nouveau dieu dresser plus d’un autel
Qu’encensent vainement l’audace et la cabale.
Fidèle aux ordres d’Apollon,
Nuit et jour du sacré vallon
Il interdit l’entrée aux faiseurs d’acrostiches,
D’équivoques, de vers obscurs,
De vers rampans et de vers durs ;
À ceux dont tous les hémistiches
Sont pleins de médisance ou pleins de mots impurs ;
Par ses soins on jouit du repos et de l’ombre
Nécessaires pour bien penser.
Les bons auteurs sont en si petit nombre
Qu’ils ne peuvent embarrasser.
En vain le vieux Lisis lui dit d’un ton superbe
Je suis des amis 
Vous devez me laisser passer.
En vain, dans l’ardeur qui l’emporte,
Le pétulant Albin, d’une voix vive et forte,
Allègue de vieux droits par le bon sens détruits :
Ô siècle ingrat ! dit-il, tant d’ouvrages conduits
Comme l’eût pu faire Aristote