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DIVERSES

À faire à la nature une vaine querelle ?
Arbres, qui vivez plus que nous,
Jouissez d’un destin si doux ;
J’ai bien d’autres sujets de murmurer contre elle.
Puis-je voir, sans blâmer des ordres si cruels,
Qu’un de ces indignes mortels
Que dans sa paresse elle forme
De ce qu’elle a de plus mauvais,
Plus tard que Montausier s’endorme
De ce fatal sommeil qui ne finit jamais ?
Un excès de douleur et de délicatesse
Porte ma colère plus loin.

Tout homme, quel qu’il soit, dont elle a pris le soin
De conduire la vie à l’extrême vieillesse,
Quand il s’offre à mes yeux, les blesse.
Non, je ne saurais plus souffrir
Que de la fin d’un siècle ici quelqu’un approche
Sans lui faire un secret reproche
Du long temps qu’il est à mourir.

Vous, qu’avec une ardeur sincère
J’invoquais pour sauver une tête si chère,
Dieux quelquefois ingrats et sourds,
Seize lustres entiers ne firent pas le cours.