Page:Poésies de Malherbe.djvu/11

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et, cela fait, le père vint leur dire lui-même qu’il ne pouvait les entretenir. « Eh ! rendez donc au moins le Pater ! » s’écria Malherbe.

Certain jour il prit envie à un huguenot de le convertir. Malherbe le laissa discourir tout à son aise, et quand notre homme se fut bien échauffé : « Dites-moi, lui répliqua-t-il froidement, boit-on de meilleur vin à La Rochelle, et mange-t-on de meilleur blé qu’à Paris ? »

C’est que, impatient des agitations auxquelles la France était en proie, Malherbe s’était de bonne heure réfugié dans l’idée du pouvoir, pensant y trouver quelque repos. Aussi lui arrivait-il souvent de dire qu’un bon sujet ne doit avoir de religion que celle de son prince, ajoutant d’ailleurs qu’il ne fallait point se mêler de la conduite d’un vaisseau où l’on n’est que simple passager.

Ces deux mots donnent à la fois la mesure de sa conviction religieuse et le secret de sa conduite politique. Cependant il accomplissait avec régularité ses devoirs de chrétien, ne pensant pas, disait-il, que Dieu fit un paradis tout exprès pour lui, et voulant aller où les autres allaient.

Le recueil de Malherbe ne nous offre qu’un petit nombre de pièces qui datent de son séjour en Provence. Il ne faut cependant pas compter parmi ses coups d’essai le poème des Larmes de saint Pierre, quoiqu’il remonte jusqu’à l’année 1587. Il y a dans cette imitation d’un fort mauvais original une vigueur de versification, une franchise d’allure qui accusent un talent long-temps exercé : vous y trouvez aussi de ces vers dont la grace mélancolique trahit l’ame blessée du père sous les patientes études de l’écrivain :

Ce furent de beaux lis qui....
Devant que d’un hiver la tempête et l’orage
À leur teint délicat pussent faire dommage,
S’en allèrent fleurir au printemps éternel.

En 1599, un ami de Malherbe, François Duperrier, perdit sa fille unique ; la mort de cette jeune fille mit en