Page:Poésies de Malherbe.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxiv
MALHERBE.

 » Et moi dans mes élégies :

Je meurs ; avant le soir j’ai fini ma journée.

Qui ne serait profondément touché, madame, du rapprochement qui s’opère de soi-même entre ce passage et la malheureuse fin de Chénier ? Il n’est personne dont l’esprit ne se reporte alors à quelques années plus tard ; et ce vers, ainsi placé à la suite de la pensée de Malherbe, est plus frappant, selon moi, que dans l’élégie elle-même, où, se rattachant à une mort naturelle, il ne laisse plus la même liberté d’application[1].

Vous trouverez, madame, dans le cours de ce commentaire une ou deux traces des tendances mélancoliques de notre admirable poète. Mais ce qui domine tout l’ouvrage d’un bout à l’autre, c’est le soin du bon goût, de la véritable poésie lyrique et des beaux sentiments : il n’est aucun mérite de style auquel l’annotateur sacrifie de si grands intérêts :

« Cette strophe, dit-il (ode sur la Bienvenue de la reine Marie de Médicis), est très-élégamment écrite et poétiquement tournée ; mais les quatre premiers vers ont un sens obscène, et c’est une grande absurdité. Il faut avoir bien peu de goût, de jugement, de bienséance, pour présenter une pareille image à une jeune femme qui vient se marier. Les épithalames antiques sont remplis de tableaux tendres, jeunes, voluptueux, mais jamais licencieux. »

André Chénier, comme je vous l’ai déjà dit, madame, avait alors dix-neuf ans.

  1. Je dois remarquer, du reste, pour l’exactitude des dates, que cette note, à partir du mot Pétrarque, est d’une écriture plus récente. Il serait, en effet, trop merveilleux que la belle élégie à MM. de Pange eut déjà existé en 1781, époque qu’une de ces notes a précisée. (T. de L.)