Page:Poésies de Malherbe.djvu/40

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il s’anime et devient éloquent ; on voit bientôt qu’il n’est pas facile à un génie de cet ordre de se renfermer dans le simple rôle de commentateur.

J’ai dit plus haut l’ensemble des belles qualités qui dominent dans cette production inédite d’André Chénier ; mais je n’en ai peut-être pas suffisamment remarqué une qu’à la vérité semblent supposer les autres : je veux dire les rapprochements continuels qu’il fait avec les anciens. Il est aisé de voir que non-seulement il s’est nourri long-temps de cette excellente étude, mais qu’il la continue toujours ; car il l’applique toujours. Dans une occasion, il avait relevé avec éloge une image qu’il croyait avoir été créée par Malherbe ; quelque temps après il ajoute :

« L’image des quatre derniers vers de cette seconde strophe n’est point moderne, comme je l’avais cru. La voilà dans Martial, etc. »

Il est rare que la plus légère imitation lui échappe, et son opinion est que cela n’ôte rien au mérite du poète : non pas qu’il veuille que les ouvrages modernes ressemblent à une traduction des anciens, il a dit ailleurs son avis sur ce sujet ; mais il admire ces emprunts lorsqu’ils sont faits avec art. Il retrouve avec bonheur les traces des grands écrivains de l’antiquité. Il se complaît dans les reproductions des textes, et vous sentez, en vérité, jusque dans les citations, que c’est le poète qui cite le poète. Enfin, on trouve souvent ici réunies à de sages réflexions critiques, des beautés du premier jet ; nulle part on ne sent faiblir cette main si ferme, et je suis persuadé que vous penserez comme moi, madame, que c’est là un beau, un précieux travail.

Je viens de vous donner, moi, j’espère, pour mon propre compte, une bien grande preuve d’abnégation.