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LIVRE I.


Les ondes que j’épands d’une éternelle veine
Dans un courage saint ont leur sainte fontaine ;
Où l’amour de la terre et le soin de la chair
Aux fragiles pensers ayant ouvert la porte,
Une plus belle amour se rendit la plus forte,
Et le fit repentir aussitôt que pécher.

Henri, de qui les yeux et l’image sacrée
Font un visage d’or à cette âge ferrée,
Ne refuse à mes vœux un favorable appui ;
Et si pour ton autel ce n’est chose assez grande,
Pense qu’il est si grand, qu’il n’auroit point d’offrande
S’il n’en recevoit point que d’égales à lui.

La foi qui fut au cœur d’où sortirent ces larmes
Est le premier essai de tes premières armes,
Pour qui tant d’ennemis à tes pieds abattus,
Pâles ombres d’enfer, poussière de la terre,
Ont connu ta fortune, et que l’art de la guerre
A moins d’enseignemens que tu n’as de vertus.

De son nom de rocher, comme d’un bon augure,
Un éternel état l’Église se figure ;
Et croit, par le destin de tes justes combats,
Que ta main relevant son épaule courbée[1],
Un jour, qui n’est pas loin, elle verra tombée
La troupe qui l’assaut et la veut mettre bas.

  1. Puisse prêter l’épaule au monde chancelant,
    a dit le grand Corneille par une image différente dans la Mort de Pompée. A. Chénier.