Page:Poésies de Malherbe.djvu/6

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descendant renvoyait ses ennemis à ces titres de sa noblesse : « Si mes parties s’en veulent éclairer, écrivait-il au roi Louis XIII, qu’elles aillent sur le lieu : leur propre vue leur apprendra ce qui en est. »

Son père, qui lui réservait la survivance de sa charge, le fit étudier d’abord à l’université de Caen ; puis il l’envoya à Heidelberg et à Bâle, où il suivit les leçons des plus habiles professeurs. Du reste, aucun souvenir de cette époque dans le peu que les contemporains nous apprennent de la jeunesse de Malherbe. On ne doit pas s’émerveiller davantage que ses œuvres n’aient pas gardé trace de cette éducation lointaine. Son génie tout français devait sympathiser médiocrement avec les nonchalantes habitudes de la rêverie allemande. Insensible d’ailleurs à cette magnifique nature du Rhin, qui laisse à toutes les âmes une sorte de mal du pays, Malherbe quitta sans peine la charmante cité d’Heidelberg. Nous ne voyons pas non plus qu’il ait reçu des riches aspects de sa patrie normande une impression bien vive. Seulement, vers 1604 (il avait alors plus de quarante ans), la mort d’un ami, et, à ce qu’il semble, d’un compatriote, lui rappela, sous le ciel de Provence, les rives de l’Orne que, si jeune, il avait quittées ; et on retrouve dans des vers qu’il écrivait alors quelque chose qui ressemble au regret de la terre nalale :

L’Orne, comme autrefois, nons reverroit encore,
Ravis de ces pensers que le vulgaire ignore,
Égarer à l’écart nos pas et nos discours,
Et, couchés sur les fleurs comme étoiles semées,
Rendre en si doux ébats les heures consumées,
—-—Que les soleils nous seroient courts.

Il revint à Caen. Un coup imprévu l’y attendait : son père avait quitté la religion catholique, on ne sait pour quelle raison. C’était peut-être une de ces âmes honnêtes, mais faibles, que le spectacle de la Saint-Barthélemy jeta brusquement dans le parti huguenot. Quel que fût le motif de ce changement, le jeune François le vit avec douleur, sans doute, il faut bien le dire, parce